La ville du quart d’heure

La Ville du Quart d’Heure (appelée VQH dans la suite du propos), concept rendu célèbre par Carlos Moreno, ne propose rien de moins qu’une révolution dans notre manière de penser la ville et, au-delà, la civilisation urbaine elle-même. Elle repose sur une idée d’une simplicité déconcertante, presque évidente, mais qui bouleverse les deux derniers siècles de l’urbanisme : permettre à chacun d’accéder, en quinze minutes à pied ou à vélo, aux services essentiels de la vie moderne, travailler, s’éduquer, s’amuser, se soigner, se nourrir. Au premier abord, elle ne constitue pas une idée novatrice, car les villages sont familiers de l’idée mais elle compose une alternative urbaine d’avenir au modèle de la ville du XXᵉ siècle, caractérisée par de vastes zones spécialisées séparées par des distances immenses. Ainsi, elle incarne une rupture, un retour à l’échelle humaine, à une proximité réconciliée, « à un village en ville » teins des progrès du futur.

Ce modèle, profondément ancré dans la logique de la durabilité, répond à des enjeux bien au-delà de la seule organisation urbaine. Il s’adresse aux défis climatiques les plus pressants en limitant les trajets motorisés, réduisant ainsi les émissions de gaz à effet de serre. Mais son ambition va plus loin : elle réinvente les rapports humains, recrée du lien social et permet à chacun de vivre dans des quartiers où la mixité des usages, des fonctions et des populations rend la vie non seulement plus simple, mais aussi plus riche de sens. Les bienfaits économiques ne sont pas en reste. En dynamisant les commerces locaux, en réduisant les coûts liés aux infrastructures et en favorisant la flexibilité des modes de travail, la VQH met en lumière une nouvelle économie : celle de la proximité, où la valeur se mesure à l’échelle de la vie quotidienne.

Comme pour toute ambition, les obstacles sont nombreux et les promesses doivent être tenues avec vigilance. Transformer des infrastructures figées dans des logiques dépassées demande des ressources immenses, une vision politique de long terme et, surtout, une capacité rare à éviter les pièges de la gentrification. Car ce modèle, s’il n’est pas accompagné de politiques inclusives ambitieuses, risque de renforcer les inégalités qu’il prétend réduire, en éloignant les populations les plus modestes des zones revitalisées.

Les exemples concrets de mise en œuvre, à Paris, Melbourne et Bogotá, illustrent les immenses potentialités de cette vision, mais aussi ses écueils. À Paris, les investissements massifs dans les mobilités douces et les projets participatifs ont eu pour effet une augmentation de la qualité de vie. Revers de l’ambition, cela a augmenté la demande de ces quartiers renouvelés et avec les prix de l’immobilier. De l’autre côté de la terre, Melbourne a démontré qu’une métropole étalée pouvait devenir plus compacte, mais de nouveau au prix d’une inaccessibilité croissante pour une part grandissante de revenus. À Bogotá, les bénéfices économiques des rénovations urbaines sont indéniables, mais les contraintes budgétaires d’une ville en développement montrent les limites d’un tel modèle sans appuis financiers solides.

En somme, la VQH n’est pas qu’un concept d’urbanisme ; elle est le reflet d’une aspiration plus profonde à vivre mieux, à réconcilier les humains, la ville et la nature. Si elle ne peut être un modèle universel, elle constitue une boussole pour une humanité à moitié résidente en ville (et plus encore), un appel à repenser nos villes comme des lieux de proximité, de bon sens et d’harmonie. Pour qu’elle devienne une réalité durable et équitable, il faudra de l’audace, de la patience et une vision collective. Il faudra surtout une volonté politique capable d’élever cette idée au rang de projet civilisationnel.

Paris Ville du Quart d’Heure, Melbourne 2017-2050 et Bogotá sont trois illustrations du financement et des investissements considérables que demande la mise en place de la VQH. Les retombées économiques des investissements dans la VQH sont généralement positives, avec une nette augmentation de l’activité économique et sociale locale, un apaisement de la pression routière avec réduction des coûts liés aux infrastructures et enfin une amélioration de la qualité de vie. Cependant, les défis restent nombreux. Ces investissements imposent une gestion rigoureuse inscrite dans une politique à long terme. Enfin, celui de l’acceptation sociale afin d’être en mesure de reconduire ce concept à travers de futures municipalités. Or dans les trois cas d’étude, les prix de l’immobilier et du coût de la vie dans les zones revitalisées ont progressivement augmenté, éloignant ainsi les habitants à faibles revenus; contribuant donc à l’intensification des inégalités sociales.

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